Quelle évolution des politiques d'asile dans les pays européens depuis 2015 ?
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Recevez chaque trimestre le nouveau numéro de Vues d’Europe dans votre boîte mail S'abonnerLa crise du COVID-19 met en suspens la stratégie d’ouverture des frontières du président Erdoğan
Alors que la Turquie espérait faire pression sur l’UE en décidant de ne plus retenir sur son territoire les personnes réfugiées, les autorités ont annoncé le 18 mars la fermeture des frontières avec la Bulgarie et la Grèce pour contenir la propagation du coronavirus.
Suite à la mort de 33 militaires turcs dans la région d’Idlib en Syrie, et afin d’obtenir le soutien de l’Union européenne (UE) dans son offensive, le Président turc Recep Tayyip Erdoğan avait décidé, le 28 février, d’ouvrir ses frontières. En plus d’affirmer ne plus être en capacité d’accueillir de réfugiés, il estime que l’UE n’a pas rempli les engagements fixés par l’accord sur l’immigration de 2016 (aide financière versée seulement en partie, programme de réinstallation des réfugiés dans les États membres peu développé, mise en place des visas pour les citoyens turcs vers l’UE non effective). Pourtant, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis soutient que le président turc a lui-même violé l’accord ; arguant que son pays ne pouvait plus gérer l’accueil de tous les exilés présents sur son territoire.
Les responsables européens ont adopté, dans ce contexte, plusieurs mesures d’urgence, dont les principales visent à limiter le nombre d’arrivées en Grèce et à renforcer la surveillance aux frontières extérieures de l’UE, à l’encontre du principe de non-refoulement. Le 2 mars, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a déclaré que l’UE s’engageait à verser 700 millions d’euros au gouvernement hellénique, en plus d’une aide matérielle. À la demande du gouvernement grec, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex a également annoncé le même jour le déploiement de nouveaux agents afin de rendre la frontière plus hermétique. Enfin, un budget de 60 millions d’euros devrait être affecté par le bloc à l’aide humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie. De son côté, le gouvernement de Mitsotakis a décidé le 1er mars qu’aucune demande d’asile ne serait acceptée pendant un mois.
La stratégie turque a cependant été perturbée par la crise sanitaire, les autorités indiquant le 18 mars que les postes frontières allaient être fermés par mesure de précaution. Le 29 mars, le ministre de l’Intérieur Süleyman Soylu a annoncé la mise à l’abri des personnes migrantes qui se trouvaient dans la zone. Les pouvoirs publics affirment en effet avoir conduit, suite à l’augmentation du nombre de cas de COVID-19 en Turquie, près de 5 800 personnes dans des “centres de rapatriement” situés dans neuf des provinces turques. L’agence européenne Frontex avait pourtant décidé de maintenir les contrôles à la frontière, jugeant la situation toujours préoccupante: le 17 mars, 350 personnes auraient en effet tenté de franchir la frontière vers la Grèce. Le 3 avril, 624 agents étaient toujours présents le long des frontières terrestres et maritimes grecques, même si une potentielle réouverture des postes frontières n’est pas encore envisagée.
La mise en place de telles précautions a été saluée par le gouvernement grec mais le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a néanmoins affirmé qu’il ne s’agit que d’une trêve exceptionnelle et que la crise n’est pas résolue. Les deux pays prennent désormais part à un jeu diplomatique : Athènes accuse régulièrement Ankara d’aider les personnes migrantes à rejoindre l’Europe, notamment dans le but d’y diffuser le virus. Ces informations n’ont cependant jamais été confirmées par l’Organisation internationale pour les migrations.
Ce texte reprend et met à jour différents articles publiés dans plusieurs « Veilles Europe » ces derniers mois : dans celles du 1er au 15 mars (ici et ici) et du 1er au 15 avril 2020.