« It is very frustrating for us, lawyers who work in this field and are really compassionate about migration »: in Sweden, a legislative proposal is about to restrict legal aid
Advocacy team of France terre d'asile - Published on July 25, 2025Version FrançaiseAlors que la Suède a été considérée des années comme un pays accueillant et un « leader en matière de droits humains » au sein de l’Union européenne, depuis 2022, la coalition de droite et d’extrême droite a durci les conditions d’accueil des personnes migrantes. En 2025, un nouveau projet de loi vise à restreindre de manière significative l’aide juridique accessible aux demandeurs d’asile. Viktoria Nyström, avocate spécialisée en droit des étrangers, analyse ce changement de politique et ses conséquences pour les personnes concernées.
La Suède a longtemps été un pays accueillant pour les demandeurs d’asile et les réfugiés, notamment sur le plan juridique. Quelles bonnes pratiques ont été mises en place jusqu’ici, en particulier en ce qui concerne l’aide juridique ?
Cela a beaucoup évolué au fil du temps. La Suède a mis en place des centres où les personnes déposent leur demande d’asile. Le personnel de l’Agence suédoise des migrations, chargé d’enregistrer les demandes, est formé aux procédures et sait quelles questions poser, notamment pour identifier si la personne est particulièrement vulnérable, auquel cas une procédure spécifique est mise en place.
La Suède a toujours offert une aide juridique aux demandeurs d’asile, en proposant l’accès à conseiller juridique public ou un avocat. Cela signifie qu’après avoir déposé leur demande, les demandeurs d’asile peuvent recevoir très tôt des informations sur la procédure d’asile, ce qui leur permet de savoir à quoi s’attendre dans les semaines, les mois, voire les années qui suivent. Les avocats préparent le demandeur à son entretien, y assistent, rassemblent des preuves, plaident l'affaire par écrit et prennent en charge les procédures de recours, notamment. Nous, avocats, avons toujours été impliqués à chaque étape du processus d’asile.
En quoi l’aide juridique est-elle considérée comme une « bonne pratique » en matière de soutien spécifique aux femmes et aux filles demandeuses d’asile et réfugiées ?
Je pense qu’une bonne pratique a été de veiller à ce que les femmes et les filles aient la possibilité de s’exprimer sur d’éventuelles difficultés ou besoins spécifiques lors de l’entretien d’enregistrement à l’Agence des migrations. On demande aux personnes si elles préfèrent qu’une femme soit leur avocate, conseillère juridique, assistante sociale ou interprète. Si elles viennent accompagnées d'un homme, elles ont toujours la possibilité de s'entretenir en privé avec l'assistante sociale. Cela leur permet de s’exprimer plus librement, sans crainte.
Le problème, c’est que chaque demandeur ou demandeuse d’asile peut soit choisir son propre avocat, soit s’en voir attribuer un par l’Agence des migrations. Ce système désigne l’avocat ayant le moins de dossiers, ce qui signifie souvent le moins expérimenté. En conséquence, les personnes les plus vulnérables — comme les femmes arrivant seules, sans réseau ni capacité de choisir leur propre avocat — se retrouvent avec une aide juridique moins qualifié, ce qui nuit gravement à la qualité de l’aide qu’elles reçoivent.
Le gouvernement a présenté un projet de loi visant à modifier l’aide juridique. Quels changements seraient introduits ?
Pour commencer par les changements positifs, les critères sont désormais plus exigeants pour les avocats qui représentent les demandeurs d’asile : ils doivent avoir davantage de connaissances et d’expérience. Auparavant, de nombreux avocats acceptaient un grand nombre de dossiers puis envoyaient une autre personne assister aux entretiens de la demande d’asile à leur place, une pratique qui serait davantage encadrée. C’était très préjudiciable pour les demandeurs d’asile, qui sont souvent amenés à faire part de traumatismes personnels et ont d’être en avec la personne qui les représente. Autre point positif : si un conseiller juridique agit ou se comporte de manière inappropriée, il peut désormais être exclu de ce système d’’aide juridique.
Concernant les changements négatifs, le projet de loi propose de réduire drastiquement l’aide juridique pendant la procédure d’asile, ne laissant qu’une heure d’aide au stade de l’enregistrement de la demande auprès de l’Agence des migrations. Ce serait vraiment dommageable, car ce premier rendez-vous est destiné à fournir des informations générales sur la procédure, et non des conseils adaptés au cas individuel. Les avocats ne pourraient intervenir à nouveau que si le demandeur d’asile reçoit une décision négative et que le dossier est porté devant la justice.
Quelles seront les conséquences pour les demandeurs d’asile et les réfugiés, en particulier pour les femmes ? Comment les professionnels du droit et les organisations défendant les droits des exilés ont-ils réagi ?
Le problème, c’est qu’il y a beaucoup de choses que l’Agence des migrations ne peut pas faire. Par exemple, elle ne peut pas aider les demandeurs d’asile à rassembler des preuves ni contacter des personnes en leur nom : les personnes vulnérables se retrouveraient sans personne pour défendre leurs intérêts et les aider à obtenir les documents nécessaires. Par conséquent, l’Agence des migrations ne disposerait pas des informations indispensables à une prise de décision équitable sur le dossier.
Je pense qu’une des conséquences sera que de nombreux avocats spécialisés en droit des étrangers cesseront probablement de prendre ce type de dossiers, car ils pourront estimer qu’il n’est plus possible d’offrir une aide juridique adéquate dans ces conditions. Ceux qui resteront seront alors peut-être les moins expérimentés.
Les ONG ont fortement critiqué cette mesure, car elles sont déjà sous pression. Si l’aide juridique est supprimée, tout le monde se tournera vers elles pour obtenir de l’aide — mais elles manquent actuellement de financement et de personnel pour répondre à cette demande.
En quoi ce changement concernant l’aide juridique s’inscrit-il dans une dynamique plus large de durcissement des politiques d’immigration et d’asile en Suède ?
Cela fait partie d’un changement plus large : le gouvernement de droite a explicitement déclaré son intention de restreindre à la fois l’arrivée et le séjour des personnes issues d’origines ethniques différentes en Suède.
Sans accès à l’aide juridique, les demandeurs d’asile ne bénéficieront pas d’une procédure équitable et juste. En même temps, il y aura probablement davantage de décisions négatives, simplement parce que l’Agence des migrations ne disposera pas de suffisamment d’informations pour évaluer correctement les dossiers.
Comment le gouvernement suédois répond-il au Pacte sur la migration et l’asile, qui devrait entrer en vigueur en juin 2026 et qui va réformer le système européen d’accueil et d’asile ? Savez-vous déjà comment ce Pacte influencera la mise en œuvre des politiques nationales en Suède ?
Nous savons plus ou moins comment le gouvernement souhaite que le Pacte influence le système, mais nous ne savons pas encore quel impact il aura sur la procédure de demande d’asile. Le gouvernement a mené une enquête publique, mais les experts de l'Association du barreau, une association d'avocats, n'ont pas eu l'occasion d'exprimer leurs opinions ou leurs préoccupations concernant l'application pratique de la loi.
Je pense que le Pacte est porteur des mêmes idées que notre gouvernement. Ils souhaitent réduire l’immigration - le gouvernement suédois n’est plus ce qu’il était, lorsque la Suède voulait être un leader européen des droits humains. Les politiques et les positions de tous les partis politiques ont changé. Comme au niveau de l’Union européenne, l’accent est mis sur la diminution du nombre de personnes migrantes et de demandeurs d’asile, indépendamment du droit d’asile.
C’est très frustrant pour nous, avocats qui travaillons dans ce domaine et qui sommes réellement sensibles à la question migratoire. Je pense que nous nous sentons impuissants et désespérés. Nous avons l’impression de crier et que personne ne nous écoute.

While Sweden was seen as a welcoming country and a “leader in human rights” in the European union for years, since 2022, the right-wing and far-right coalition has been tightening reception conditions for migrants, including asylum seekers. In 2025, a new bill aims at significantly restricting the legal aid available to asylum seekers. Viktoria Nyström, a lawyer specializing in migration law, analyses this policy shift and its consequences for those affected.
Sweden has long been a welcoming country for asylum seekers and refugees, especially in the legal field. What good practices have been implemented, particularly regarding legal aid?
It has changed a lot over time. Sweden has established specific centres where people apply for asylum. The staff of the Swedish Migration Agency, who register the applications, are trained in the procedures and know what questions to ask. During registration, they try to identify whether the person is particularly vulnerable, and if so, a special procedure is followed.
An important point is that Sweden has always provided legal aid to everyone seeking asylum, such as a public legal counsellor or a lawyer. This means that after their applications, asylum seekers can receive information about the asylum process quite early, so they know what to expect in the weeks, months, or even years that follow. Lawyers prepare the applicant, they attend the oral interview, they gather evidence, they plead the case in writing, and they handle appeal procedures, among other things. We [the lawyers] have always been included in every part of the asylum process.
How is legal aid considered a “good practice” in providing specific support for women and girls asylum seekers and refugees?
I think a good practice has been ensuring that women and girls have the opportunity to express themselves during the registration meeting at the Migration Agency. The asylum seekers are asked whether they would prefer a woman to be their legal aid, public counsellor, caseworker, or interpreter. If they arrive together with a man, they always get to speak in private to the caseworker with no one else in the room. This makes it easier for them to speak openly and without fear.
But the problem is you can either choose your own lawyer, or the Migration Agency’s system will appoint one for you. The system assigns the lawyer with the fewest cases, which often means the least experienced one. As a result, the most vulnerable individuals — such as women arriving alone with no network or ability to choose — end up with the least qualified legal support, which severely undermines the quality of assistance they receive.
The government has tabled a bill to change the legal aid system. What changes are being proposed?
Starting with the positive changes, there are now higher standards for lawyers who represent asylum seekers, they need to have more knowledge and experience. They’ve also restricted the practice of substitution: previously, many lawyers accepted a large number of cases and then sent someone else to attend the meetings. This was very harmful for asylum seekers, as they have to talk about personal traumas and need to feel trust in the person representing them. Another good point is that if a legal aid counsellor acts or performs inappropriately, they can now be excluded from legal aid.
Concerning the negative changes: the government is also proposing a bill to cut almost all legal aid during the asylum process, leaving only one hour of assistance at the Migration Agency stage, when their asylum claim is registered. It would be really negative, because that one hour is intended just to provide general information about the process, not advice tailored to the individual’s case. Lawyers would only be able to step in again if the asylum seeker receives a negative decision and the case goes to court.
What will be the consequences for asylum seekers and refugees, particularly for women? How did legal professionals and organisations that defend the rights of exiles react?
The problem is there are many things the Migration Agency cannot do. For example, it cannot help asylum seekers gather evidence or contact people on their behalf. Vulnerable people, such as women and children, would be left without someone to advocate for them or help them obtain the necessary documents. Consequently, the Migration Agency would not have the correct information to make a fair decision on the case.
I think one consequence will be that many lawyers specializing in migration law will probably stop taking this kind of cases, because they may feel that it’s no longer possible to provide proper legal support under these conditions. And the ones who remain may be those with less experience.
There has been a lot of criticism from NGOs, as they are already under pressure. If legal aid is removed, everyone will turn to the NGOs for support — but they currently lack the funding and staff to meet the demand.
How is this change in legal aid part of a broader effort to tighten Sweden’s national immigration and asylum policies?
Professionals in the migration field think this is part of a broader change, as this is not the only area undergoing changes. Everything is shifting, and the right-wing government has explicitly stated its intention to restrict both the arrival and the stay of people from other ethnicities in Sweden.
Without access to legal aid, asylum seekers won’t have a fair and just process. At the same time, there will likely be more negative decisions, simply because the Migration Agency won’t have enough information to assess the cases properly.
How is the Swedish government responding to the Pact on Migration and Asylum, which is expected to come into effect in June 2026 and will reform the EU reception and asylum system? Do you know yet how the Pact will impact the national policies will be implemented in Sweden?
We know more or less how the government wants the Pact to affect the system, but we don’t know yet what impact it will have on the asylum application process. The government conducted a public inquiry, but the experts of the Bar Association, a lawyers’ association, had no opportunity to express its views or concerns regarding the practical application of the law.
I think the Pact reflects the same ideas as our government. They want to reduce immigration, and the Swedish government is no longer what it used to be—when Sweden aimed to be a European leader in human rights. But the policies and the views of all the political parties have changed. So, like the European Union, the focus is on fewer immigrants and fewer asylum seekers, regardless of the right to seek asylum.
It is very frustrating for us lawyers who work in this field and are really compassionate about migration. I think we feel powerless and hopeless. We feel like we are just screaming and no one is listening.
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