Présidence suédoise du Conseil de l’Union européenne : plus de sécurité, moins de solidarité ?
Equipe plaidoyer de France terre d'asile© Swedish Presidency of the Council of the EU
La Suède qui assure la présidence du Conseil de l’Union européenne (UE) depuis le 1er janvier dernier compte faire progresser les négociations du Pacte sur la migration et l’asile, enlisées depuis sa présentation par la Commission européenne en septembre 2020. La présidence tchèque du Conseil de l’UE s’est clôturée le 31 décembre dernier avec un bilan en demi-teinte en matière d’asile et de migration. Le pays avait lancé les trilogues – sur différents textes du Pacte, notamment la refonte du règlement Eurodac et la proposition de refonte du règlement sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile. Le cadre européen sur la réinstallation a également été adopté le 15 décembre dernier.
Cependant, les négociations sur plusieurs textes du Pacte n’ont pas encore abouti et se poursuivront sous la présidence suédoise, en accord avec la feuille de route conclue le 7 septembre 2022 par le Parlement européen et le Conseil de l’UE, qui engage les co-législateurs à adopter les propositions législatives contenues dans le Pacte d’ici février 2024 et la fin de la mandature actuelle du Parlement européen. Le conseil européen extraordinaire des 9 au 10 février donnera également une orientation aux débats qui se tiendront sur la migration durant la présidence suédoise, actuellement dominés par la hausse des arrivées via la route des Balkans et la situation en Méditerranée centrale.
Quels engagements pour la présidence suédoise du Conseil de l’UE ?
Alors qu’un nouveau gouvernement de droite soutenu par l’extrême droite est arrivé au pouvoir en octobre dernier dans le pays, la présidence suédoise promet une approche sécuritaire en matière de migration et d’asile. Parmi les priorités de la présidence dévoilées le 14 décembre dernier, l’accent est mis sur le renforcement de la coopération avec les pays tiers, notamment en vue de faciliter les éloignements. Le 9 janvier dernier, l’ambassadeur de la Suède auprès de l’UE, Lars Danielsson, a par ailleurs déclaré que l’UE devrait « pénaliser » les pays tiers qui refusent de réadmettre leurs ressortissants, y compris en réduisant les aides au développement octroyées par l’Union.
Concernant les mesures liées à la solidarité et au partage des responsabilités entre les pays de l’UE – dossier qui cristallise les tensions entre ces derniers depuis 2015 -, la Suède devra poursuivre les négociations de la proposition de règlement « relatif à la gestion de l’asile et de la migration » du Pacte dans le but de remplacer le règlement de Dublin. La Suède ne semble cependant pas encline à promouvoir davantage de solidarité entre les États membres, alors que Tomas Tobé, rapporteur de la proposition et eurodéputé suédois du Parti populaire européen (Démocrates-Chrétiens), rejette toute notion de relocalisation obligatoire. La Suède ne fait également pas partie des 11 pays volontaires qui participent à la mise en œuvre du mécanisme de solidarité temporaire mis en place sous la présidence française du Conseil de l’UE en juin 2022 et qui prévoit la relocalisation de 8 000 personnes en besoin de protection depuis cinq pays du bassin méditerranéen. La présidence tchèque avait également proposé de fixer un minimum de 5 000 à 10 000 relocalisations de demandeurs d’asile par an vers des États membres volontaires, ce à quoi la Suède s’était aussi opposée, en justifiant que ces mécanismes volontaires n’ont pas de base légale.
Outre ces dossiers, le programme de la présidence suédoise prévoit de faire progresser les négociations de la proposition de règlement sur la procédure d’asile, ainsi que la proposition de révision du règlement Eurodac. Par ailleurs, le programme prévoit de suivre la mise en œuvre de la Directive relative à la protection temporaire dont bénéficient les millions de personnes déplacées d’Ukraine au sein de l’Union.
Malgré l’intention de faire progresser ces négociations, l’ambassadeur de la Suède auprès de l’UE, Lars Danielsson, a déclaré qu’il n’y aurait probablement pas d’accord sur l’ensemble des propositions du Pacte d’ici la fin de la présidence suédoise. En revanche, selon une source diplomatique européenne, l’Espagne – qui succèdera à la Suède le 1er juillet à la tête de la présidence du Conseil de l’UE -, devrait prioriser ces négociations étant un pays dit de « première entrée ».
Dans une feuille de route dévoilée le 11 janvier dernier, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) exhorte la Suède et l’Espagne à saisir leurs présidences respectives du Conseil de l’UE pour améliorer la protection à l’égard des personnes réfugiées, en prenant notamment exemple sur l’accueil des personnes déplacées d’Ukraine. En novembre dernier, la cheffe de file du parti des Socialistes et Démocrates (S&D) au Parlement européen avait notamment fait part de son inquiétude vis-à-vis de l’impact que pourrait avoir l’extrême droite suédoise sur la présidence du Conseil de l’UE.
L’« accord de Tidö », un tournant restrictif en matière d’asile en Suède
Au niveau national, la coalition récemment arrivée au pouvoir en Suède en octobre – composée des Modérés, Libéraux et Chrétiens-démocrates – a exprimé sa position anti-immigration dès le début, notamment dans le but de conserver le soutien du parti d’extrême droite des Démocrates de Suède (SD) avec lequel un accord de coopération parlementaire a été signé. Ce dernier avait obtenu 73 sièges aux dernières élections législatives de septembre dernier, totalisant près de 20,5 % des suffrages. Lors de son investiture le 18 octobre, le Premier ministre Ulf Kristersson déclarait ainsi que « les principaux problèmes économiques et sociaux sont la conséquence des hauts niveaux d’immigration », en reprenant la rhétorique du parti d’extrême droite.
L’accord de coalition signé en octobre dernier, intitulé « accord de Tidö », prévoit une série de mesures préoccupantes pour les personnes en quête de protection, un tournant drastique après l’ouverture démontrée en 2015, lorsque le pays avait accueilli près de 162 880 demandeurs d’asile en un an. L’accord de Tidö propose entre autres de maintenir ces derniers dans des centres de transit le temps de l’examen de leur demande, avec des conditions d’accueil qui ne respecteraient que les standards les plus bas. En outre, l’accord prévoit d’abroger les titres de séjour permanents pour les personnes réfugiées dans certains cas, notamment lorsque le motif de protection n’est plus valable, et de restreindre en parallèle les procédures de réunification familiale et d’accès à la nationalité suédoise.
Article publié le 20/01/2023