Sommet UE-Union africaine : vers une coopération renforcée en matière de migration
Equipe plaidoyer de France terre d'asile© Embassy of Equatorial Guinea
Les 17 et 18 février s’est tenu à Bruxelles le sixième sommet entre les dirigeants des 27 États membres de l’Union européenne (UE) et des 55 pays de l’Union africaine (UA) en vue de renforcer la coopération dans le cadre de la Stratégie commune Afrique-UE, notamment sur les questions migratoires. La migration fait en effet partie des cinq domaines prioritaires de coopération entre les deux continents pour les années à venir.
À l’issue du sommet, les dirigeants européens et africains ont adopté leur « Vision commune pour 2030 », dans laquelle ils se sont notamment engagés à « prévenir la migration irrégulière », à « renforcer la coopération contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains », et à renforcer les mécanismes de retours et réadmissions, tout en développant des voies légales et « solutions durables » pour les réfugiés et demandeurs d’asile vulnérables.
Autre engagement pris, celui de poursuivre les efforts pour s’attaquer aux « causes profondes de la migration et des déplacements forcés », avec l’idée notamment de créer des opportunités en termes d’emploi et d’éducation dans les pays d’origine, en particulier pour les femmes et la jeunesse. À ce titre, une aide d’un montant de 150 milliards d’euros a été annoncée par l’UE afin de stimuler les investissements publics et privés dans de nombreux domaines, y compris celui de la formation professionnelle et de la croissance économique durable.
Initialement prévu pour 2020, le sommet avait été repoussé à plusieurs reprises en raison de la crise sanitaire avant d’être finalement relancé dans le contexte de la Présidence française du Conseil de l’UE (PFUE). C’est lors de son discours sur les priorités de la PFUE, le 9 décembre dernier, que le Président français Emmanuel Macron avait fait part de sa volonté d’établir une « relation revitalisée » entre l’UE et l’Afrique, qui est, avec l’Asie, le premier continent d’origine des demandeurs d’asile dans l’UE.
Malgré l’appel, en amont du Sommet, de plusieurs organisations de la société civile telles que Amnesty International, à remettre en question la coopération controversée des autorités européennes avec la Libye – le sujet a été occulté lors de la rencontre. Pourtant, les dirigeants européens et africains s’étaient engagés lors du précédent Sommet qui avait eu lieu les 29 et 30 novembre 2017 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, à mettre un terme au trafic de migrants après la révélation par la chaîne américaine CNN de l’existence de « marchés aux esclaves » en Libye. Selon Amnesty International, plus de 82 000 personnes en besoin de protection ont été interceptées en mer Méditerranée et renvoyées en Libye depuis 2017, où les violations des droits de l’Homme sont régulièrement décriées par les acteurs humanitaires.
À la place, la Commission européenne propose d’aider les pays africains à surveiller leurs frontières. En déplacement à Dakar, au Sénégal, le 11 février dernier, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, a ainsi proposé au pays d’envoyer des équipements de surveillance tels que des drones et des navires et de déployer des officiers de l’Agence européenne Frontex. Ces derniers travailleraient aux côtés des forces de l’ordre locales dans le but notamment d’aider le pays à prévenir les départs et traversées vers les îles Canaries espagnoles. Alors que le ministre de l’Intérieur du Sénégal a donné son « feu vert » pour entamer des négociations au niveau technique le 14 février dernier, l’Agence Frontex pourrait être déployée pour la première fois hors d’Europe. Ces négociations suscitent l’inquiétude des organisations de la société civile, notamment du Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE), qui souligne qu’étendre l’action de l’agence européenne des gardes-frontières et garde-côtes à des pays tiers fait craindre de nouvelles violations des droits de l’Homme.
Article publié le 24/02/2022, mis à jour le 01/03/2022