Réinstallation des réfugiés afghans dans l’UE : des promesses, pas d’engagements chiffrés
Equipe plaidoyer de France terre d'asileDurant le Forum européen de haut-niveau sur la réinstallation des afghans en besoin de protection qui s’est tenu le 7 octobre, aucun engagement chiffré de la part des États membres de l’Union européenne n’a été pris. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés exhorte l’Union à réinstaller 42 500 personnes.
Le 7 octobre dernier, l’Union européenne a organisé un Forum de haut-niveau sur « la protection des ressortissants afghans en danger » afin d’étudier les voies d’accès légales et sûres vers l’Europe, notamment via la réinstallation. Organisé par le haut représentant et vice-président Josep Borrell et la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson, le forum a réuni les ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères des États membres de l’Union européenne (UE), de l’espace Schengen, ainsi que du Royaume-Uni, du Canada et des États-Unis. Le Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), António Vitorino, ainsi que le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, ont également pris part aux échanges afin de livrer leurs recommandations.
Filippo Grandi a estimé que près de 85 000 Afghans devront être réinstallés depuis les pays voisins de l’Afghanistan vers d’autres pays ces cinq prochaines années. Il a proposé que la moitié, soit 42 500 personnes, soient accueillies au sein de l’UE. Si l’objectif a été jugé « réalisable » par Ylva Johansson, aucun État membre de l’Union n’a annoncé d’engagements chiffrés à l’occasion du forum, organisé près de deux mois après la prise de Kaboul par les talibans.
À court terme, la commissaire européenne aux Affaires intérieures a rappelé la nécessité de poursuivre les évacuations des ressortissants afghans les plus menacés – notamment les femmes, journalistes et défenseurs des droits de l’Homme. Jusqu’à présent, 22 000 Afghans ont été évacués vers 24 pays de l’UE suite à la chute de Kaboul. Le gouvernement italien a annoncé travailler en coopération avec le Pakistan, l’Iran et potentiellement la Turquie, pour la création d’un couloir humanitaire pour les réfugiés afghans les plus vulnérables depuis ces pays. Le Canada, qui s’était engagé à réinstaller 20 000 ressortissants afghans, a revu son engagement à la hausse en promettant 40 000 réinstallations. En parallèle, le HCR a appelé à développer d’autres voies d’accès légales et sûres, notamment via la réunification familiale, une procédure qui fait l’objet de nombreux obstacles.
En amont du Forum européen de haut-niveau, l’ONG Amnesty International avait également appelé les pays de l’UE à intensifier les efforts d’évacuation et de réinstallation, dans la mesure où le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan ont fermé leurs frontières, et que le Pakistan n’autorise l’accès à son territoire qu’aux personnes ayant besoin d’une assistance médicale.
Le 12 octobre, à l’occasion d’un sommet extraordinaire du G20 dédié à la crise afghane, l’Union européenne a annoncé une aide d’un milliard d’euros afin d’éviter un « effondrement humanitaire et socio-économique majeur ». Une partie de l’aide – 300 millions d’euros, déjà annoncés lors de la réunion du G7 le 24 août et lors du discours de la présidente de la Commission européenne sur l’état de l’Union le 15 septembre dernier – est destinée aux pays voisins de l’Afghanistan qui ont accueilli des réfugiés afghans fuyant les talibans. Selon les données du HCR, environ 3,5 millions de ressortissants afghans se trouvaient déjà au Pakistan voisin avant la prise de pouvoir par les talibans et près de 3 millions d’entre eux vivraient en Iran selon l’ONG Human Rights Watch.
L’adoption du Cadre européen pour la réinstallation, proposé par la Commission européenne le 13 juillet 2016, et qui vise à établir des règles communes pour les différents programmes, procédures et pratiques en place en matière de réinstallation – semble ainsi plus que jamais d’actualité. Alors que ce dernier a fait l’objet d’un accord provisoire le 13 juin 2018 entre le Conseil de l’UE et le Parlement européen, son adoption a été reportée. Selon le dernier rapport de la Commission européenne relatif à la situation migratoire en Europe, dévoilé le 29 septembre dernier, l’adoption de ce cadre serait une des « priorités » de l’Union compte tenu de la crise afghane.
En revanche, l’activation au sein de l’UE de la directive européenne de 2001 relative à « l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées » n’est pas à l’ordre du jour, et ce malgré l’appel de plusieurs organisations, la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan n’ayant pas entraîné à ce stade de déplacements transfrontaliers à grande échelle selon le HCR.
Article publié le 18/10/2021