Alerte sur les conséquences du Brexit sur l’asile à la frontière britannique
Thierry Le Roy, Président de France terre d'asileEnglish VersionAlert on the consequences of Brexit on asylum at UK border
The National Consultative Commission on Human Rights (CNCDH) has just, once again [on May 17th, during the presentation of the CNCDH's opinion released on February 11th], denounced the undignified conditions, contrary to human rights, of the migrants attracted and blocked in Calais, at the British border.
It also analyses the causes of this undignified and absurd situation in Calais, which has not been brought to an end by the dismantling of the "jungle" in 2016, nor by the harsh policy subsequently pursued by the French authorities against the reconstitution of any "fixed point".
Because why do so many migrants get drawn to and stuck in Calais, at the British border?
Is it because they have not obtained or sought asylum in France or in another European country? Undoubtedly, since there are many people under the "Dublin procedure" and rejected asylum seekers wandering all over France, and this raises the question of the reception of asylum seekers in Europe, where solidarity is lacking, and in France. The migrants in Calais say so. Is it also because they have strong reasons for wanting to go to England? We know these reasons: language, family, job search, the action of smugglers, but also, without being able to measure it, the desire to seek asylum in the UK.
And why are they blocked? This is better known. The only legal way theoretically open, which would be to apply for asylum in England, is blocked by the fact that English border controls are located on French territory, which prevents them from applying for asylum in England - since the Sangatte (2002) and Touquet (2003) agreements.
Since 2015, the CNCDH has been asking the French government to put an end to this obstacle by denouncing the Touquet agreements, which is also requested by local elected representatives in Calais and the region.
New situation: with the Brexit, the British can no longer justify this obstacle by the European Dublin Regulation, which had precisely this function of allowing the return of asylum seekers arriving at their border when they had or could have lodged an application in another European Union Member State. The Brexit ended this system for the UK.
The Johnson government has understood this, and now, in its "New Plan for Immigration" of last March, displays its intention to negotiate with European states, "safe third countries", readmission agreements for asylum seekers who would arrive (if the Touquet agreements were abolished) or who are already arriving at risk of their lives. It is known that, already in 2020, arrivals by "small boats" will represent 50% of illegal arrivals in the UK in 2020 (compared to 11% in 2019).
This request immediately turned into a fiasco, as no EU Member State wanted to see itself as the "safe third country" on which the UK would dump asylum seekers. Except France if it maintains the Touquet agreements, which would be paradoxical for a country where the supreme courts have long dismissed the notion of safe third country as contrary to the Geneva Convention.
We can thus see a possible way out, since the British are seeking readmission agreements, and will be with France if it would not stick to the Touquet agreements. From there, a space for negotiation opens up to define what will replace the dead end of Europe that Calais has become with a mechanism for the orderly distribution, orientation and organisation of the reception of migrants and asylum seekers present at the border. As between the Member States of the European Union, the alternative is clearly: organised solidarity or continued wandering.
It will be objected that the British and French governments are not ready for this.
This will not prevent NGOs and associations from fighting, French ones like France terre d'asile, but also British associations which have already said all the bad things they think about the New Plan for Immigration, and are, like Refugee Rights Europe, the British Refugee Council, or Safe Passage, as outraged as we are to see the British government boasting of being the "country of asylum" (again by announcing these days that it will welcome 5 million inhabitants of Hong Kong if necessary! ), while the UK has the lowest number of refugees and asylum seekers per capita in (Western) Europe.
Thierry Le Roy, President of France terre d'asile
La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) vient, à nouveau [le 17 mai à l’occasion de la présentation de l’avis de la CNCDH publié le 11 février], de dénoncer les conditions indignes, et contraires aux droits de l’homme, faites aux migrants attirés et bloqués à Calais, à la frontière britannique.
Elle analyse aussi les causes de cette situation indigne et absurde à Calais, à laquelle il n’a été mis fin ni par le démantèlement de la « jungle » en 2016, ni par la politique dure menée ensuite par les autorités françaises contre la reconstitution de tout « point fixe ».
Car pourquoi tant de migrants sont-ils attirés et bloqués à Calais, à la frontière britannique ?
Est-ce parce qu’ils n’ont pas obtenu ou voulu l’asile en France ou dans un autre pays européen ? Sans doute, puisqu’on retrouve là des « dublinés » et des déboutés qui errent dans toute la France, et cela renvoie à la question de l’accueil des demandeurs d’asile en Europe, où la solidarité fait défaut, et en France. Les migrants de Calais le disent. Est-ce aussi parce qu’ils ont des raisons fortes de vouloir rejoindre l’Angleterre ? On connaît ces raisons : la langue, la famille, la recherche d’un travail, l’action des passeurs, mais aussi, sans qu’on puisse la mesurer, la recherche d’un asile au Royaume-Uni.
Et pourquoi ils sont bloqués ? Cela, on le sait mieux. La seule voie légale théoriquement ouverte qui serait la demande d’asile en Angleterre bute sur un obstacle : la localisation sur le territoire français des contrôles à la frontière anglaise, qui les empêche de former une demande d’asile enregistrée et instruite en Angleterre. Depuis les accords de Sangatte (2002) et du Touquet (2003).
Depuis 2015, la CNCDH demande au gouvernement français de mettre fin à cet obstacle en dénonçant les accords du Touquet, ce que demandent d’ailleurs aussi les élus locaux, de Calais et de la Région.
Situation nouvelle : avec le Brexit, les Anglais ne peuvent plus justifier cet obstacle par le Règlement européen de Dublin, qui avait précisément cette fonction de permettre de renvoyer les demandeurs d’asile arrivant à leur frontière alors qu’ils avaient ou auraient pu déposer une demande dans une autre État membre de l’Union européenne. Le Brexit a mis fin à ce système pour le Royaume-Uni.
Le gouvernement Johnson l’a compris, et affiche maintenant, dans son New Plan for Immigration de mars dernier, son intention de négocier avec les États européens, « pays tiers sûrs », des accords de réadmission des demandeurs d’asile qui arriveraient (si on supprimait les accords du Touquet) ou qui y arrivent déjà au péril de leur vie. On sait que, déjà en 2020, les arrivées par « small boats » représentent 50 % des arrivées illégales au Royaume-Uni en 2020 (contre 11 % en 2019).
Cette demande a d’ailleurs immédiatement fait un fiasco, car aucun État membre de l’UE n’a voulu se regarder comme le « pays tiers sûr » sur lequel le Royaume-Uni se défausserait des demandeurs d’asile. Sauf la France si elle maintient les accords du Touquet, ce qui serait paradoxal pour un pays où les juridictions suprêmes écartent depuis longtemps la notion de pays tiers sûr comme contraire à la convention de Genève.
On aperçoit ainsi une issue possible, dès lors que les Anglais sont demandeurs d’accords de réadmission, et le seront avec la France si elle ne s’accroche pas au maintien des accords du Touquet. À partir de là, un espace de négociation s’ouvre pour définir ce qui remplacera l’impasse de l’Europe qu’est devenu Calais par un dispositif de répartition ordonnée, d’orientation et d’organisation de l’accueil des migrants et demandeurs d’asile présents à la frontière. Comme entre les États membres de l’Union européenne, l’alternative est clairement : solidarité organisée ou poursuite des errances.
On nous objectera que les gouvernements anglais et français du moment n’y sont pas prêts.
Cela n’empêchera pas les ONG et associations de batailler, des françaises comme France terre d’asile, mais aussi les associations anglaises qui ont déjà dit tout le mal qu’elles pensaient du New Plan for Immigration, et sont, comme Refugee Rights Europe, le British Refugee Council, ou Safe Passage, aussi indignées que nous de voir le gouvernement britannique se vanter d’être le « pays de l’asile » (encore en annonçant ces jours-ci qu’il accueillera s’il le faut 5 millions d’habitants de Hong-Kong!), alors que le Royaume-Uni est le pays d’Europe (de l’Ouest) qui accueille le plus petit nombre de réfugiés et demandeurs d’asile rapporté à sa population.
Thierry Le Roy, Président de France terre d’asile
Article publié le 21/06/2021